L’exposition internationale de 1937 et les régimes totalitaires

1937 Affiche pour l'Exposition Internationale cosignée avec Pierre BouissoudExposition internationale de 1937 à paris

(Le montage vidéo ci-dessous a été réalisé à partir des images d’un film 8mm dont l’intégralité peut être visionnée ici.)

Cette exposition est restée surtout célèbre par l’affrontement symbolique qui y eut lieu entre le pavillon de l’Union soviétique (avec sa colossale sculpture de l’Ouvrier et la Kolkhozienne) et celui de l’Allemagne hitlérienne (gigantesque et surmonté de l’aigle nazi) qui se font face de part et d’autre du pont d’Iéna à Paris.

Pavillon_allemand

Pour le pavillon allemand, Hitler avait choisi l’emblème impérialiste et guerrier de l’aigle, un énorme rapace surmontait l’édifice renfermant les stands allemands. Il était conçu pour représenter une défense massive contre les assauts du communisme. L’aspect martial du pavillon allemand, conçu par Albert Speer, ainsi que les sculptures monumentales de Joseph Thorak qui y étaient exposées, manifestaient l’idéologie de l’art nazi.  Le pavillon se composait d’une tour de 54 m de haut et d’un grand hall de 140 m de long.

sap01_v1-42228_t Exposition universelle de paris.

Le pavillon nazi, regorgeant de produits de l’industrie allemande, exhibait des compostions sur le thème des usines et de travaux agricoles ou ouvriers. On y voyait des trains, des voies ferrées, des autoroutes en construction. Partout dominait la figure du travailleur allemand irréprochable et indestructible.

1937 allemagne mercedes

L’Allemagne y exposait ses produits tel l’appareil photo Leica – premier 24x 36 compact – ou l’émetteur à ondes courtes Telefunken, des équipements de TSF, l’oscillographe Siemens. L’industrie chimique était représentée avec l’IG Farben, des tissus synthétiques, des colorants et le nouveau procédé de développement Agfacolor.

Pavillon_sovietique

En face du pavillon allemand, le pavillon soviétique était une oeuvre de l’architecte Boris Iofane. Il était coiffé d’un couple allégorique « l’Ouvrier et la Kolkhozienne » s’élançant vers l’avenir, de l’artiste Wera Ignatjewna Muchina. Ce groupe haut de 25 mètres brandissait de façon théâtrale les symboles de la souveraineté du système soviétique, la faucille et le marteau : c’était un exemple du réalisme socialiste, art de propagande que Staline déclara art officiel en 1932.
L’intérieur ne présentait pas, comme le pavillon allemand, un hall unique mais 5 salles de hauteur décroissante. Le contenu était ostensiblement beaucoup plus politique que celui du pavillon allemand.

La première section était consacré à la présentation de l’URSS. Il y avait une carte de 20 m² de l’URSS où chaque capitale des 11 états était représentée par un rubis étoilé avec son nom écrit en émeraudes. La constitution Stalinienne de 36, « la plus démocratique du monde« , y était commentée et ses principaux articles gravés sur le socle d’un pilastre de marbre couronné par un médaillon représentant les profils de Lénine et de Staline.
La deuxième section était consacrée à la science et à l’éducation avec un exposé des œuvres de Gorki et de Pouchkine.
La troisième section était consacré à la peinture et à la sculpture et la quatrième était celle des transports par terre, eau ou air.

Les deux pavillons illustraient la même conception totalitaire de l’art. Dans les deux cas il s’agissait officiellement d’un « art populaire et national » s’opposant à l’idée de la dégénérescence de l’art due au capitalisme. Hitler et Staline avaient alors imposer un art « directement compréhensible » dans leur pays, un art en réalité au service de la propagande.
En peinture le peuple n’apparaissait que pour montrer son enthousiasme envers l’avenir radieux et la confiance en ses chefs. En architecture, il fallait faire grand pour montrer la supériorité des nouveaux systèmes. Comme là aussi les bâtiments devaient être directement compréhensibles, il fallait éviter toute forme nouvelle et donc être néoclassique : les deux pavillons avaient tous deux une structure métallique mais elle était soigneusement cachée par des parements de pierre par exemple.
Les deux pavillons partagaient un but commun: proclamer la supériorité du système politique de leur pays. Pour les soviétiques il s’agissait purement de propagande mais pour les allemands il y avait à la fois propagande et but commercial.
Le communisme avait vocation à l’universalité et le pavillon était donc consacré uniquement à la propagande. L’intérieur était « pédagogique »: des salles successives devaient convaincre de l’intérêt du socialisme sous tous ces aspects.
L’idéologie nazie reposait sur la prétendue supériorité de la race allemande mais les industriels allemands cherchaient surtout à vendre leurs produits. Le pavillon devait donc présenter les produits industriels : il y avait un grand hall commercial, la propagande se trouvant dans les maquettes (à l’entrée et au fond sur l’estrade) et dans les peintures murales.

Les deux pavillons reçurent la médaille d’or de l’exposition.

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Cette exposition a été aussi célèbre pour avoir montré au public le tableau Guernica de Pablo Picasso dans le pavillon espagnol. « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l’ennemi. » avait déclaré Picasso à propos de ce tableau.

sap53_71l13582_p Guernica victoire
En 1937, le gouvernement républicain alors au pouvoir (juste avant d’être renversé par Franco) commanda à Picasso une grande composition murale, pour le pavillon espagnol de l’Exposition Universelle de Paris.  L’actualité politique, liée aux régimes totalitaires, a été le facteur déclenchant de cette œuvre.
En effet, le 26 avril 1937, l’aviation nazie, appelée à la rescousse par le général Franco dans la guerre civile espagnole, bombarda la ville basque de Guernica faisant près de 2000 morts en ce jour de marché.
Cet immense tableau relatait donc un épisode historique de l’histoire contemporaine espagnole, mais avait aussi une valeur universelle de condamnation de toutes les guerres.
Picasso, qui résidait alors en France, s’était juré de ne plus retourner en Espagne tant que Franco serait au pouvoir. Il voulut faire don au peuple espagnol de ce tableau mais seulement dès que les libertés publiques seraient rétablies en Espagne. Guernica n’a donc rejoint l’Espagne qu’en 1981, après la mort de Franco.

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Vous trouverez ci-dessus deux cartes postales écrites par un visiteur français lors de cette exposition qui vous montre comment ont été perçus ces trois pavillons. Je vous recommande la lecture du site d’où elle proviennent, très intéressant pour son analyse de l’évènement.

Vous trouverez ici un documentaire issu des archives audiovisuelles du parti communiste français, très orienté politiquement et idéologiquement cependant.