Étiquette : Les débuts de l’Islam

A propos de l’histoire du Coran

J’ai lu il y a quelques temps Le Coran des historiens, codirigé par Mohammad Ali Amir-Moezzi. Celui-ci a récemment répondu aux question du Monde.fr à propos de l’histoire du texte sacré de l’islam. Voici un extrait de l’entretien.

Que sait-on de la date de rédaction du Coran ?
« Pour les musulmans, le Coran est la Parole de Dieu révélée à Muhammad [Mahomet, 571-632]. Elle est transmise au Prophète par l’ange Gabriel, qui lui apparaît à de multiples reprises pendant une vingtaine d’années. Au fur et à mesure qu’il reçoit cette révélation, Muhammad la dicte à des copistes. Quelques années après sa mort, alors qu’Othman est devenu calife (644-656), les multiples fragments de la révélation sont réunis en un livre unique. Voilà ce qu’est le Coran selon la tradition musulmane.
Reste qu’un historien doit d’emblée insister sur un point : selon les sources musulmanes elles-mêmes, pendant les quatre premiers siècles de l’islam, il existait plusieurs versions du Coran. Ce n’est qu’au IVe siècle de l’hégire [début du calendrier islamique], c’est-à-dire au Xe siècle de l’ère chrétienne, que le Coran « officiel », celui qui aurait été transcrit sous Othman, s’impose comme la seule et unique version du texte.
Jusque-là, les musulmans étaient divisés en plusieurs factions hostiles, et les affrontements avaient notamment pour enjeu le contenu du livre sacré. Depuis que le Coran othmanien s’est imposé chez tous les musulmans, les versions divergentes ont disparu. Le récit orthodoxe les a effacées. »
(…)

Selon la tradition, le Coran d’Othman aurait donc été élaboré à partir des multiples fragments de la révélation pris en note à l’époque de Muhammad. Qu’en disent les historiens ?
« Commençons par dire que le Coran est un ouvrage d’une grande complexité. C’est un corpus plus qu’un livre, au sens où il réunit des textes très différents les uns des autres qui se succèdent et se mélangent sans logique narrative. On y retrouve des prières, des préceptes moraux ou juridiques, des histoires, comme celles de Moïse ou d’Abraham, qui sont coupées en morceaux dispersés tout au long du texte coranique… Cela rend très difficile la datation des différentes parties.
Pour autant, de plus en plus de spécialistes considèrent aujourd’hui que le Coran que l’on connaît n’a pas été élaboré sous Othman comme le dit la tradition, mais plutôt sous Abd Al-Malik, calife de 685 à 705.
On se situe alors après les premières grandes conquêtes arabes, et ce calife gouverne un territoire gigantesque qui s’étend de la Libye aux confins de la Chine. La situation est donc radicalement différente de celle qui prévalait à l’époque de Muhammad ou d’Othman, lesquels vivaient dans un contexte qui demeurait local et tribal.
Abd Al-Malik semble habité par une ambition impériale : il entend faire des terres conquises un empire unifié. Il impose par exemple des poids et mesures communs, ou bien fait de l’arabe la langue « officielle » de l’administration.
Or un véritable empire doit avoir sa religion propre. L’empire byzantin a le christianisme, l’empire perse sassanide le zoroastrisme, et son empire à lui aura l’islam. Dans cette optique, il aurait rendu publique une version « officielle » du Coran. Simplement, il n’en revendique pas la paternité pour lui-même. Il proclame en effet que c’est sous Othman que cette version fut élaborée. S’il fait cela, c’est probablement parce qu’Othman appartenait comme lui à la dynastie omeyyade : faire du calife Othman le père du livre saint est donc un moyen de légitimer le pouvoir de sa propre famille. »

Dans le Coran, peut-on repérer diverses couches correspondant à diverses époques de rédaction, depuis Muhammad jusqu’à Abd Al-Malik ?
« Selon beaucoup de spécialistes, certains morceaux remonteraient à Muhammad lui-même. C’est par exemple le cas de l’apocalyptique coranique, c’est-à-dire l’évocation de la fin du monde, que l’on retrouve dans les 30-35 dernières sourates. Deux arguments principaux conduisent à considérer qu’on a ici affaire à la couche la plus ancienne du texte.
Premièrement, c’est là qu’est employé l’arabe le plus archaïque. Ensuite, dans ces sourates, Muhammad annonce l’imminence de la fin du monde. Comme on sait, elle n’a pas eu lieu. Les musulmans postérieurs n’avaient donc aucun intérêt à fabriquer ces passages qui, en quelque sorte, décrédibilisent leur prophète : ceux-ci doivent donc réellement remonter à Muhammad.
A l’inverse, certains savants pensent que la majorité des passages qui portent sur le djihad dateraient plutôt des grandes conquêtes, puisqu’ils sont un excellent moyen de légitimer ces dernières. Ils seraient donc postérieurs à Muhammad sans qu’on puisse pourtant déterminer avec certitude leur date. »

Vous avez évoqué la présence de l’histoire d’Abraham ou de celle de Moïse : quelle influence de la Bible peut-on déceler dans le Coran ?
« La présence biblique est gigantesque, même si elle fut longtemps minimisée. La tradition musulmane a fait de l’Arabie préislamique une terre de l’ignorance où l’on adorait les idoles. Si quelques rares versets font en effet référence au paganisme préislamique, le Coran contient surtout des milliers de références à la Bible. De nombreuses figures bibliques y sont présentes, d’Adam à Jésus, en passant par Noé, David, Salomon et, bien sûr, Abraham et Moïse, qui ont une place fondamentale. Qui plus est, les grands thèmes du Coran sont des thèmes bibliques.
On peut résumer le credo coranique par trois points. Le monothéisme, c’est-à-dire qu’il n’est qu’un seul dieu. Le prophétisme, c’est-à-dire que Dieu révèle sa Parole aux hommes par l’intermédiaire de quelques individus choisis que sont les prophètes. Enfin, le Jugement dernier, c’est-à-dire que dans l’au-delà, les hommes recevront récompense ou châtiment selon leurs actes. Tout cela est évidemment déjà présent dans la Bible et correspond aux croyances des juifs et des chrétiens. On peut d’ailleurs ajouter que les références bibliques sont parfois convoquées de manière allusive dans le Coran, sans préciser des détails que l’on suppose connus. Cela signifie que les auditeurs en étaient familiers.
Autre indice : le vocabulaire lui-même. Le Coran est évidemment rédigé en arabe, mais de nombreux termes coraniques sont en réalité issus des langues liturgiques employées par les chrétiens d’Orient – le syriaque – ou par les juifs – l’hébreu. Le mot « Coran » lui-même viendrait de qiriyâna, qui désigne un « livre de prières » en syriaque. Les termes salat, qui désigne la prière quotidienne, ou zakat, qui renvoie à l’aumône, seraient également issus du syriaque, tandis que le hadj – le pèlerinage à La Mecque – proviendrait de l’hébreu. »

Pour mieux comprendre l’émergence de l’islam

J’ai lu la première partie du Coran des historiens, consacré au contexte historique et géographique de l’émergence de l’islam. J’en recommande la lecture pour préparer le cours de cinquième sur la civilisation musulmane. Je vais poursuivre ma lecture avec la deuxième partie, sur les traditions religieuses qui ont influencé le Coran. Je vais par contre laisser de côté la dernière partie, trop spécialisée et érudite pour moi.

Une émission sur les début de l’islam

Cette émission de Quand l’histoire fait dates (visible quelques jours encore sur le replay d’Arte) s’intéresse à la bataille de Talas, entre les Arabes et les Chinois, qui ouvre l’Asie à l’islamisation. Quelque chose m’a fait tiquer en entendant les propos de Patrick Boucheron. Les élèves français ont en effet entendu parler de la bataille de Talas, contrairement à ce qu’il affirme, en même temps que celle de Poitiers, dans le programme de collège de 2010, au cours du chapitre sur les débuts de l’Islam.

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Excursion sur les routes caravanières du Sahara

Installée au Maroc, la Britannique Alice Morrison se lance dans cette série de deux  documentaires à l’assaut des anciennes routes caravanières du Sahara, empruntées pendant des siècles par les marchands de sel, d’or, d’ivoire et d’esclaves. Commençant son périple à Tanger, l’exploratrice rejoint Sijilmassa en passant par Fès, Marrakech et les monts de l’Atlas. Elle découvre la vallée des casbahs, forteresses où les commerçants se reposaient en toute sécurité, passe la nuit dans un ancien caravansérail et rencontre des nomades berbères. C’est pour elle l’occasion d’évoquer les textes d’écrivains voyageurs ayant parcouru les mêmes routes, comme Ibn Khaldoun ou René Caillié.
Dans ce second épisode, elle entreprend la traversée des dunes en compagnie de l’une des rares guides femmes du Maroc. À Tamegroute, elle visite une école coranique qui abrite une bibliothèque constituée de plus de quatre mille manuscrits anciens, dont certains vieux de neuf siècles. Puis, elle met le cap sur le marché aux chameaux de Guelmim, dernière étape avant Tombouctou, située au sommet de la boucle du fleuve Niger.

Ces épisodes sont à voir quelques jours encore sur le replay d’Arte.

Début du pèlerinage à La Mecque

Deux millions de pèlerins sont attendus à La Mecque, le premier lieu saint de l’islam, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, à partir de mercredi 30 août. Tous les musulmans qui en ont les moyens sont tenus d’effectuer, au moins une fois dans leur vie, ce voyage, qui est l’un des cinq piliers de l’islam.

De la lecture pour cet été

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J’ai reçu ces deux trilogies de la part des Editions J’ai lu.

Les trois tomes de la Cour des Dames mettent en scène la vie de la cour de France de François 1er puis de Henri II, et plus particulièrement l’influence des femmes sur la politique des rois. Connaissant leur auteur, ces livres sont extrêmement détaillés d’un point de vu historique même si il a pris le parti de se focaliser sur certains évènements précis des différents règnes, ce qui occasionne de nombreuses ellipses dans ses romans.
De plus, une série de notes accompagnent les textes pour appuyer la réalité historique des évènements.

La série des femmes de l’Islam n’est pas un coup d’essai pour Marek Halter, déjà auteur d’une trilogie de La bible au féminin. A travers ces trois figures de femme sur lesquelles Mahomet s’est appuyé au fil de sa vie, il dessine aussi trois rôles : Khadija l’amoureuse, Fatima la guerrière et Aïcha la confidente.Si le travail du romancier a reposé sur de longues recherches, ces livres n’en sont pas moins des romans avec leur lot d’intrigues, de complots, de trahisons et d’ histoires d’amour.