Catégorie : Pour réfléchir

Des textes anciens pour réfléchir à aujourd’hui

En juin 1378, à Florence, les ouvriers du textile se soulevèrent contre l’oligarchie de la ville et prirent les armes pour instaurer un gouvernement populaire. Nicolas Machiavel a rapporté la harangue d’un de leurs meneurs dans ses Histoires florentines (livre III, chapitre XIII).
« Si nous devions en ce moment délibérer pour savoir s’il faut prendre les armes, brûler et piller les maisons des citoyens, dépouiller l’Église, je serais de ceux qui jugeraient que cela mérite réflexion ; et peut-être serais-je d’avis de préférer une pauvreté tranquille à un gain périlleux. Mais puisque les armes sont prises et qu’il y a déjà beaucoup de mal de fait, il me semble que nous devons chercher par quel moyen conserver les armes et parer au danger où nous mettent les délits commis par nous…
Vous voyez que toute la ville est pleine de rancune et de haine contre nous ; les citoyens se réunissent, les prieurs se joignent aux autres magistrats. Croyez que l’on prépare des pièges contre nous et que de nouveaux périls menacent nos têtes. Nous devons donc chercher à obtenir deux choses et assigner à nos délibérations un double but : à savoir d’une part ne pas être châtiés pour ce que nous avons fait les jours précédents, d’autre part pouvoir vivre avec plus de liberté et plus de bien-être que par le passé. Il convient à cet effet, à ce qu’il me semble, si nous voulons nous faire pardonner les fautes anciennes, d’en commettre de nouvelles, de redoubler les excès, de multiplier vols et incendies et de chercher à entraîner un grand nombre de compagnons. Car là où il y a beaucoup de coupables, personne n’est châtié ; les petites fautes sont punies, celles qui sont importantes et graves sont récompensées. Et quand un grand nombre de gens souffrent, la plupart ne cherchent pas à se venger, parce que les injures générales sont supportées plus patiemment que les particulières.
Ainsi, en multipliant le mal, nous trouverons plus facilement le pardon et nous verrons s’ouvrir devant nous la voie qui nous mènera vers les buts que nous désirons atteindre pour être libres. Et nous allons, me semble-t-il, à une conquête certaine ; car ceux qui pourraient nous faire obstacle sont désunis et riches ; leur désunion nous donnera la victoire, et leurs richesses, une fois devenues nôtres, nous permettront de la maintenir.
Ne vous laissez pas effrayer par cette ancienneté du sang dont ils se targuent ; car tous les hommes, ayant eu une même origine, sont également anciens et la nature nous a tous faits sur un même modèle. Déshabillés et nus, vous seriez tous semblables ; revêtons leurs habits, qu’ils mettent les nôtres, nous paraîtrons sans aucun doute nobles et eux gens du commun ; car seules la pauvreté et la richesse font l’inégalité. »

En 1968, le préfet de police de Paris a adressé une lettre aux policiers engagés contre les manifestants (trouvée sur Twitter) : 

Mais alors pourquoi ?

Extrait de la synthèse du rapport du Conseil d’orientation des retraites de juin 2021 : « Malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population française, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon de la projection, c’est-à-dire 2070. C’était un résultat qui prévalait avant la crise sanitaire que nous traversons depuis début 2020. C’est un résultat qui demeure valable après crise.
Bien évidemment, ce résultat récurrent des rapports du COR peut sembler étonnant au regard du vieillissement démographique attendu qui viendra inéluctablement peser sur les dépenses de retraite futures, en alourdissant le nombre de retraités relativement au nombre de cotisants. Si les ratios de dépenses de retraite dans le PIB diminuent en 2070 par rapport aux niveaux actuels, quel que soit le scénario économique envisagé, c’est que les évolutions démographiques défavorables seront contrebalancées par la baisse à venir de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité, à législation inchangée : la pension continuerait de croître en euros constants, mais moins vite que les revenus, du fait des mécanismes d’indexation du système de retraite sur les prix (quand les revenus d’activité bénéficient en sus des gains de productivité). »

A propos de l’école inclusive

« (…)il ne suffit pas de décréter l’inclusion pour que les personnels de l’éducation nationale soient immédiatement capables de « supporter » le rapport quotidien au handicap. Certains enseignants, bien involontairement, inconsciemment donc, se défendent, car ils sont en souffrance, de l’altérité des élèves handicapés. Certains évitent leur regard comme s’il ne fallait pas voir cet élève dérangeant, d’autres acceptent l’inclusion sans réellement la mettre en œuvre pédagogiquement. Ils ne sont ni cyniques ni malhonnêtes, ces enseignants : ils font comme ils peuvent avec le handicap, avec leur désir de bien faire, ce qui est déjà beaucoup. Ils sont le plus souvent sans formation. Ils éprouvent d’ailleurs beaucoup de culpabilité à ne pas réussir à mettre en forme pédagogique le vœu inclusif auquel ils souscrivent très majoritairement. Je me souviens d’une enseignante à la fois volontaire et impuissante qui répétait : « je sers à rien, je sers à rien ». À l’échelle du « sujet-enseignant », réussir l’inclusion scolaire, c’est d’abord devenir capable d’intégrer psychiquement l’inquiétante étrangeté de l’élève différent. »

En 2018, vous avez publié un article dans la Revue internationale d’éducation de Sèvres intitulé « L’inclusion scolaire en France, un processus inachevé ». Pourquoi un processus inachevé ?

Je crois que ce titre reste d’actualité ! On peut se réjouir qu’un processus soit en cours. Il est engagé depuis la fin des années 2000 ; mais on doit à la vérité de signaler que les réalisations ne sont pas à la hauteur des attentes que le mot inclusion peut légitimement provoquer. Je me demande combien les gouvernements successifs ont eu une volonté réelle de mettre en œuvre les changements que nécessiterait un réel tournant inclusif de l’école française. Car si on observe ce qui se passe ailleurs, ce que dit la recherche, on doit s’interroger sur la persistance en France des dispositifs spécialisés tels l’ULIS et la SEGPA. Un vrai travail doit être mené à hauteur d’école, par la recherche et les acteurs de l’école : ces dispositifs sont-ils des vecteurs d’inclusion ou des endroits qui maintiennent nombre d’élèves handicapés ou en échec scolaire sur le seuil de la classe ordinaire ? Dans une position d’entre eux qui se prolonge indéfiniment ? On pourrait questionner les pratiques d’orientation qui condamnent très tôt des milliers d’élèves à des parcours d’orientation au choix finalement très réduit. On pourrait questionner également la sur-représentation d’élèves issus de la précarité, comme le montre les recherches d’ATD quart-monde, dans les dispositifs spécialisés. On pourrait se demander pourquoi on recrute essentiellement pour accompagner les élèves les plus « en besoin » de notre école, les personnels que l’on forme et que l’on paye le moins, à savoir les AESH. On pourrait se demander pourquoi depuis vingt ans on détricote la formation des enseignants spécialisés, pourquoi on en recrute si peu alors qu’ils peuvent être la cheville ouvrière de l’inclusion dans les écoles.
Ce processus inclusif me parait réduit à des éléments de discours politique. Il n’y a eu dans les 20 dernières années aucune réforme structurelle de grande ampleur qui irait dans le sens de l’école inclusive : les cycles ne se sont pas imposés, on travaille toujours avec des programmes annualisés qui excluent de la normalité ceux qui ne peuvent pas les suivre. On continue de piloter le système par l’horizon du bac. On continue d’évaluer et d’orienter très précocement. On ne forme pas au co-enseignement. Bref, le slogan inclusif a gagné en épaisseur ; la réalité inclusive un peu moins.

Sur les dispositifs de type Ulis et Unités d’enseignement externalisées, il semble que vous partagiez le même constat que votre collègue anthropologue Godefroy Lansade : des pratiques qualifiées d’inclusion différenciée se sont substituées au processus d’inclusion scolaire.

Godefroy Lansade a fait parler dans sa recherche doctorale des élèves d’ULIS ; je leur ai également consacré un chapitre dans la mienne ; ces élèves sont de bons analystes du processus inclusif. Ils témoignent massivement de leurs difficultés quotidiennes : ils sont victimes de pratiques de stigmatisation qui les assignent à une identité d’élève d’ULIS, et non d’élèves « tout court ». Ils sont l’objet de pédagogies qui confondent différenciation et euphémisation des attentes scolaires. On fait moins pour des élèves réputés pouvoir moins. Ils comprennent que bien souvent, ils ne vont dans « leur » classe qu’au titre de passager clandestin ou de visiteur temporaire. Et souvent ils montrent eux-mêmes qu’ils se sentent mieux dans l’ULIS, sous la protection de l’enseignant spécialisé.(…) »

Il s’agit d’un extrait d’un entretien du Café pédagogique avec un chercheur dans l’approche clinique et socio-historique de l’éducation inclusive à lire en entier ici.