Catégorie : Biographies

A propos de Talleyrand et de Fouché

Ayant revu il y a peu Le souper d’Edouard Molinaro, je me suis plongé dans les biographies de Talleyrand et Fouché d’Emmanuel de Waresquiel. J’ai ainsi découvert que la famille de Joseph Fouché avait connu une ascension sociale grâce au commerce triangulaire, son père devenant capitaine de navires faisant ce commerce.
« En janvier de cette année-là, il prend le commandement du Fureteur, un petit navire de 60 tonneaux servi par 19 hommes d’équipage, pour son premier « voyage de la côte ». L’expression en usage au XVIIIe siècle cache une activité désormais bien connue des historiens, celle du commerce des esclaves africains du golfe de Guinée dont le port de Nantes se fera la triste spécialité. En 1751, plus de 10 000 Noirs sont officiellement vendus par les négriers nantais. Un tel chiffre ne sera atteint à nouveau qu’en 1782. La traite des Noirs, en partie gênée par la guerre de Sept Ans puis par la guerre d’Indépendance américaine, reprendra en effet de plus belle dans les années 1780. Elle représente plus du tiers du commerce nantais à la fin du XVIIIe siècle et place la ville en tête des ports négriers français devant Le Havre, Bordeaux et La Rochelle.(…)
Les voyages de traite sont parmi les plus risqués. Ils coûtent cher, sont longs – vingt et un mois en moyenne – et immobilisent des capitaux importants, souvent bien au-delà du temps de l’expédition. Mais ils sont aussi les plus rentables et peuvent rapporter plus de trois fois la mise de fonds quand rien ne vient se mettre en travers. Le premier voyage de traite de Joseph Fouché, sous l’armement d’un certain Pierre André, illustre bien les risques encourus à l’occasion de telles expéditions. Fouché quitte Nantes sur le Fureteur le 24 janvier 1755 alors que la France est sur le point d’entrer en guerre avec l’Angleterre. Il parvient cependant à rallier les côtes de Guinée «à Besnin» le 19 avril et passe six mois à négocier et à charger 129 Noirs. Il appareille pour Saint-Domingue le 24 novembre 1755, relâche à l’île des Princes au large de l’Afrique, mais est chassé par un navire de guerre anglais, ce qui l’oblige à se dérouter vers la rivière de Cayenne où il s’échoue dans les vases du Mahori. Il est alors contraint de débarquer les 98 Noirs qui lui restent et de les vendre sur place, en mauvais état et à vil prix. Il reprend la mer le 14 août 1756 pour Saint-Domingue où il charge plusieurs dizaines de barriques de sucre, de cacao, de café et 23 balles de coton. Au retour, nouveaux ennuis. Une tempête lui casse son grand mât, l’oblige à relâcher à Belle-Île et à transborder sa cargaison sur un petit caboteur de l’île jusqu’à Nantes où il arrive enfin le 22 janvier 17579. Des 19 hommes embarqués sous ses ordres deux ans plus tôt, il ne lui en reste plus que 13.  »

Du côté de Talleyrand, j’ai découvert qu’il a rédigé en 1791 un rapport très complet sur l’instruction publique, disponible ici, pour les députés de l’Assemblée nationale, alors qu’il faisait partie du Comité de Constitution. De même, il semble avoir rédigé l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Une lecture passionnante

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J’ai terminé ce midi la biographie de Denis Diderot par Jacques Attali. Entamée hier, je l’ai lue d’une traite, avec plaisir, en y retrouvant le talent de l’auteur pour raconter, sans jamais lassé. Je me suis rendu compte que je connaissais rien de la vie du principal directeur et auteur de l’Encyclopédie et assez peu de ses écrits, en dehors de ladite encyclopédie et de ces romans. Cela m’a donné envie de me procurer ses oeuvres, éditées chez Robert Laffont et de lire plus particulièrement sa correspondance.

Voici deux citations trouvées dans la biographie que je compte réutiliser l’an prochain dans le cours de quatrième sur les Lumières :
– A propos de l’Encyclopédie :
«Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits, et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité ; mais il y aura longtemps que nous serons réduits dans une poussière froide et insensible lorsqu’on nous en saura quelque gré.»
Diderot, lettre à Sophie Volland.

«La liberté est la propriété de soi. On distingue trois sortes de liberté : la liberté naturelle, la liberté civile, la liberté politique ; c’est-à-dire la liberté de l’homme, celle du citoyen et celle d’un peuple. La liberté naturelle est le droit que la nature a donné à tout homme de disposer de soi à sa volonté. La liberté civile est le droit que la société doit garantir à chaque citoyen de pouvoir faire tout ce qui n’est pas contraire aux lois. La liberté politique est l’état d’un peuple qui n’a point aliéné sa souveraineté et qui fait ses propres lois, ou est associé en partie à sa législation. La première de ces libertés est, après la raison, le caractère distinctif de l’homme.»
Collaboration de Diderot à l’ Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, de Guillaume-Thomas Raynal, 3e édition, J.-L. Pellet, Genève, 1780.

Le bonheur de penser

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« Pourquoi « le bonheur de penser » ?
Le bonheur de penser, qu’incarne Diderot, a été et reste un enjeu d’une immense importance. Car si le seul sujet qui occupe les hommes, en fait, est celui de leur bonheur, penser en est une des sources principales avec l’amour, la liberté et la satisfaction des besoins matériels. Penser, c’est réfléchir, raisonner, méditer, mais aussi rêver, créer, fantasmer.
Penser est une forme extrême d’épanouissement, une des plus mystérieuses activités humaines. Notre cerveau reste un continent encore largement inexploré : qu’est-ce que penser ? Comment pense-t-on ? Comment a-t-on conscience de soi ? Comment viennent les idées ? Comment raisonne-t-on ? Comment réfléchit-on ? Comment apprend-on ? Comment crée-t-on ? A-t-on besoin de voir, d’entendre, de sentir, de toucher, de lire pour penser ? Existera-t-il un jour, grâce aux technologies qui rendront possible la transmission de pensée, quelque chose comme une pensée collective ? Les croyances et les idéologies n’en constituent-elles pas les prémices ?
Les neurosciences démontreront bientôt, j’en suis sûr, que penser est une activité nécessaire à la santé, à la vie même. En même temps qu’une des dimensions les plus originales de la condition humaine : quelle machine pourrait rivaliser avec toutes les potentialités du cerveau ? Aucune, à l’évidence. 100 milliards de neurones, avec 10 000 connections possibles pour chaque neurone. Quel plaisir pourrait être plus grand que d’en faire un usage aussi vaste que possible ? Aucun, évidemment.
L’acte de penser est aussi un acte politique. Parce que le droit et le devoir de penser font partie des droits et des devoirs de l’homme. »

J’ai trouvé ce passage dans l’introduction de la biographie de Diderot écrite par Jacques Attali.

Les limites des Lumières

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« Ainsi toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. »

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Ma femme a découvert cette citation tirée de l’Emile ou de l’éducation de Jean – Jacques Rousseau en préparant la lecture de  Je suis Sophie Germain, de Anne Boyé et Christine Charreton, à ses élèves.
Autant pour l’égalité… Voilà un auteur qui ne remonte pas dans mon estime !