Je réponds ici à un message que j’ai reçu suite à mon article expliquant pourquoi j’avais changé d’avis à propos du port du burkini. Les passages en italique sont ceux de mon correspondant. J’ai intercalé mes réponses au sein de son texte pour plus de facilité de lecture. J’en profite pour préciser que mes propos n’engagent que moi et ne correspondent pas à ce que je professe. Mon rôle de professeur d’histoire -géographie n’a donc rien à voir ici.
Bonjour,
Que vous ayez changé d’avis est je pense une bonne chose toutefois vos arguments me laissent perplexe.
Je suis surpris venant d’un prof histoire géo de l’utilisation du terme civilisation occidentale. Qu’est-ce donc pour vous? Vous en faites un ensemble homogène. Or sur cette simple question les pratiques sont très différentes dans les pays que je suppose faire partie de « l’Occident ». Renseignez-vous la France fait partie maintenant des plus intolérants en la matière.
Nous ne devons pas parler de la même chose. Je considère ici les principes fondamentaux qui sous-tendent ce que j’appelle la civilisation occidentale (peut-être serait-il préférable d’employer le terme culture, d’ailleurs) : l’existence des libertés individuelles, l’égalité (au moins en droit) entre les hommes et les femmes, la tolérance (toujours en droit). Permettez-moi cependant d’affirmer que mon statut de professeur d’histoire -géographie m’autorise au contraire à utiliser ce terme. L’un de mes livres favoris est encore La civilisation de l’occident médiéval de Jacques Le Goff… Vous semblez assimiler pays et civilisation ou culture (je préfère définitivement ce terme, d’ailleurs).
Et le « Burkini » ne voile pas le visage des femmes (donc pas d’effacement identitaire) alors pourquoi l’interdire sinon pour stigmatiser certaines personnes? Donc c’est la question du vêtement qui montre une appartenance religieuse qui pose problème. Mais quid des curés en soutane dans les rues de Paris ou des juifs en Rekel que j’ai croisé hier à Roissy ?
C’est en effet le port du vêtement comme revendication religieuse qui pose problème. Je vous rejoins sur la tenue des juifs fondamentalistes mais pas sur le vêtement porté par les religieux eux-même (prêtre, iman, moine, nonne, rabbin, pasteur…) qui me semble tolérable sauf à être prosélyte. De même, sur les plages et à la piscine, il faudrait interdire le burkini comme le monokini ou le string comme des tenues inadaptées si les pouvoirs publics voulaient réellement suivre les arrêtés publiés qui mentionnent pêle-mêle respect de l’hygiène, des moeurs, de la laïcité et menace contre l’ordre public.
Mais je reconnais que la question est complexe. Ma femme me faisait remarquer qu’on autorisait les hommes à être torse nu à la piscine et à la plage, sans crier à l’indécence pour autant…
L’espace public n’est pas un espace d’où les religions doivent être bannies sinon démontez tous les calvaires. Chacun doit pouvoir s’y déplacer comme il le veut sauf à troubler l’ordre et/ou les moeurs (nudité par exemple).
Je suis d’accord avec cela, y compris le démontage des calvaires. Mais certains sont classés monuments historiques, comme d’ailleurs l’une des mosquées de Mayotte, datant de 1538 je crois. En tant que professeur d’histoire, je ne peux donc pas les démolir.
Et vous parlez d’intégration cela me semble traduire des préjugés pour le moins gênants. Ces femmes sont françaises elles sont chez elles, elles n’ont pas à s’intégrer à l »Occident », elles ne sont pas accueillies. Alors musulmans donc étrangers? Et si certains contestent la société et son organisation, ses valeurs c’est leur droit non? Vous allez dire aux punks qui rejettent la société de « consommation et les valeurs bourgeoises » de s’habiller autrement pourtant leur tenue traduit clairement ce rejet et nous les identifions bien comme cela. On n’a pas choisi la société dans laquelle on est né, on peut être en profond désaccord avec elle sur un plan politique, religieux économique et vouloir le montrer, le dire et le manifester non ?
Je ne crois pas avoir de préjugés, sinon une méfiance absolue pour toutes les religions que je considère comme néfastes. Je dissocie appartenance à un état (qui ne signifie pas grand chose) et appartenance à une culture, choisie ou non. Il existe de nombreux musulmans qui arrivent à concilier les éléments de la culture occidentale (comme la place des femmes) et la pratique de leur religion. Pour reprendre l’exemple du burkini, je crois que de nombreuses musulmanes fréquentent plage et piscine sans que l’on puisse identifier leur religion. Il en va de même pour des chrétiennes et des juives.
Je connais mal la culture punk que vous évoquez. Mais ce qui me parait clair, c’est que leur accoutrement traduit une volonté d’être remarqué. Comme pour les modes, d’ailleurs, au moins au début.
Selon moi, la contestation d’une société doit amener à vouloir la changer. Mais si volonté de changement il y a, cela ne doit plus être le fait de la religion. La religion, si elle doit être, doit appartenir à la sphère privée exclusivement.
Enfin il vous semble « nécessaire de pousser l’islam à s’adapter à « l’Occident » les bras m’en tombent. C’est quoi s’adapter? L’islam quel islam?
C’est toute la question, en effet.
Vous demandez au judaïsme ou au christianisme de le faire? Vous leur demandez de reconnaître l’avortement, d’arrêter de maudire les homosexuels et j’en passe.
Oui, tout à fait. Comme je l’ai dit plus haut, je préfèrerais un monde sans religion. Mais je ne décide pas. Il me semble que toute religion devrait reconnaitre le droit à l’avortement et laisser la sexualité entre adultes consentants être une affaire privée.
Alors s’adapter c’est renoncer aux tenues confessionnelles, aux interdits alimentaires? Quand serez-vous satisfait, quand l’Islam sera-t-il adapté? Sans le voile intégral, le voile sur la tête, sans les barbes de ceux qui la portent? Elle est où votre limite? Le doigt est dans l’engrenage…
Je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Lorsque la Révolution française ou le stalinisme ont voulu détruire les religions, ils ont échoué. Cela doit vouloir dire qu’un monde sans religion est impossible. Dommage. Toutefois, il me semble nécessaire que les religions se plient à la règle du vivre ensemble, et donc fassent des compromis ou bien qu’on les oblige à le faire en légiférant. Une religion ne doit de toute façon pas interférer avec le fonctionnement de la société.
Et le pousser comment, par quelles contraintes? Par pousser l’Islam malheureusement il s’agit surtout de contraindre les musulmans français par la stigmatisation, le rejet (eux/nous), par des amendes financières, par l’exclusion des plages aujourd’hui, des squares demain, en leur demandant en plus de se « faire discret ».
Les arrêtés anti – burkini sont une erreur, voire une faute tels qu’ils ont été rédigés. Mais la loi est le moyen de contraindre, comme cela a été fait pour le port du voile à l’école.
Je suis contre tous les clergés, et toutes formes d’autorités religieuses. Je suis agnostique. Tout homme qui dit ce que Dieu veut est pour moi, un menteur qui cherche du pouvoir sur les autres. Ce que font les hommes des textes religieux crée plus de souffrances et d’exclusion que de libération et d’ouverture aux autres.
Je vous rejoins, mais je suis athée. Les religions sont pour moi une invention humaine préjudiciable.
Et pourtant je pense que toutes les idées doivent pouvoir s’exprimer et que c’est par la confrontation des idées et l’éducation que l’on combat l’isolement et le repli sur soi, pas par l’interdiction.
Non, je ne suis pas d’accord. Certains idées sont condamnables et doivent être condamnées. Mais il est évident qu’il faudrait mieux parvenir à ce qu’elles ne (re)naissent pas, ce qui est complexe, sauf à user de propagande et de manipulation, ce qui n’est pas souhaitable. Je ne crois que modérément à la confrontation des idées, surtout dans la société actuelle qui ne prend plus beaucoup le temps.
Le vrai problème ici c’est que nos politiques ont trouvé et désigné un bouc émissaire pour tous les problèmes qui la traversent. La classe politique agite un chiffon rouge et tout le monde hurle à la protection de l’Occident. Les musulmans d’aujourd’hui sont les juifs des années 30. C’est cela qu’il faut dénoncer et qu’il faut empêcher et ne pas réclamer une adaptation de l’Islam qui n’a aucun sens tant l’Islam est divers dans le temps, dans l’espace, dans les pratiques de ses fidèles.
Le parallèle juifs des années 30 / musulmans est audacieux. Je vous en laisse la responsabilité. Je partage votre opinion sur la classe politique mais ce n’est pas une raison pour rejeter le débat qu’elle a ouvert pour de mauvaises raisons et n’importe comment. Comme vous le dites, il faut pouvoir s’exprimer sur le sujet et, pourquoi pas, confronter les idées.
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