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Paroles d’historien

Voici ce que pense Carlo Ginzburg de l’identité européenne et de l’histoire nationale (par opposition à l’histoire mondiale) :

« Puisqu’il est selon vous possible de parler de l’Europe comme d’une échelle historique pertinente, quels seraient les éléments historiques, culturels et géographiques composant cette réalité actuelle ?

C’est une bonne question, mais nous revenons ici au problème de l’anachronisme, dont je parlais tout à l’heure. Par exemple, s’il ne fait aucun doute, à mon avis, que l’Europe a été construite contre les Turcs, cela ne peut servir en aucun cas servir d’argument aujourd’hui pour dire que la Turquie ne peut faire partie de l’Europe. C’est un cas, assez extrême si vous voulez, de la relation complexe qui existe entre une réalité historique passée et une réalité historique en construction. À mon avis, il serait illégitime d’utiliser l’histoire de l’Europe telle qu’elle a été construite pour lui fixer des limites aujourd’hui, car il me semble que le terme d’identité est un terme politique qui n’a aucune valeur analytique. L’identité européenne n’existe pas, tout comme il n’y a pas d’identité française, italienne, juive, etc. Ce sont des termes fictifs qui sont utilisés comme armes politiques. Je sais que Ratzinger a parlé de l’identité chrétienne européenne, mais c’est une construction politique. Que faire des communautés non chrétiennes qui vivaient en Europe ? Cette idée du Turc – et la majuscule souligne à quel point je parle ici d’une construction culturelle et politique des Européens – est une idée contre laquelle s’est construite l’idée de l’Europe ; ce n’en est pas moins un élément de cette construction puisque ce concept du Turc a participé à la prise de conscience de l’Europe par les Européens.

(…)

En France, les intellectuels néonationalistes attaquent l’histoire dite mondiale. Comment répondriez-vous à ces attaques ?

Très simplement. Si l’on considère l’histoire de l’historiographie dans une perspective à long terme, l’histoire d’un point de vue national est une des nombreuses possibilités, un des nombreux moments de l’écriture de l’histoire. C’est justement pour cela qu’il est absurde de l’identifier à l’Histoire. Ajoutons qu’aucun de ces labels – de ces moments historiographiques – ne sont des gages de qualité : une mauvaise microhistoire est une mauvaise microhistoire, de même qu’une mauvaise histoire nationale est une mauvaise histoire nationale. L’une des richesses de la science historique vient de sa diversité et, inversement, le risque est de voir un courant historiographique s’identifier à l’Histoire.

Et ne pensez-vous pas que l’histoire structurellement nationale peut éviter de se présenter comme une Histoire ?

L’histoire nationale qui essentialise les identités – française ou italienne – ne peut que se confondre avec l’Histoire parce qu’elle pèche doublement, par ethnocentrisme et par anachronisme. Les identités ne sont pas fixes ou éternelles, ce sont des constructions. C’est cela qu’il est intéressant d’analyser et, en ce sens, il est possible de faire une histoire de qualité qui pose la question des nations. Ce n’est pas toujours facile. Prenez l’exemple de l’Italie, la construction de l’État italien unifié a été plus tardive. Face au polycentrisme de la réalité italienne, la construction d’une perspective unitaire a été difficile et, en conséquence, ce processus est historiquement beaucoup plus difficile à interpréter.
Dans le cas de la France, on identifie tout de suite certains éléments de la constructions : « Nos ancêtres les Gaulois… » par exemple. La mauvaise histoire nationale veut faire de cette affirmation une catégorie analytique. C’est absurde. Je crois au contraire qu’il faut la mettre à distance pour l’étudier et comprendre ce qu’elle dit du processus de construction de l’identité nationale. »

Ces propos sont extraits d’un entretien au site Le Grand Continent du Groupe d’Études Géopolitiques de l’ENS.

Un documentaire sur la guerre de Trente ans au XVIIe siècle

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https://www.arte.tv/fr/videos/072414-001-A/un-age-de-fer-la-guerre-de-trente-ans-1-6/

https://www.arte.tv/fr/videos/072414-002-A/un-age-de-fer-la-guerre-de-trente-ans-2-6/

https://www.arte.tv/fr/videos/072414-003-A/un-age-de-fer-la-guerre-de-trente-ans-3-6/

Ce documentaire – fiction en six épisodes de Philippe Bérenger et Henrike Sandner, dont les trois premiers épisodes ont été diffusé le 13 octobre sur Arte, retrace la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui solda les conflits religieux à l’œuvre dans la chrétienté depuis le début du XVIe siècle et redessine la carte politique de l’Europe.
Tout partit d’un conflit local au cœur du Saint Empire romain germanique : l’un des représentants impériaux et catholiques est défenestré à Prague, le 23 mai 1618, dans un royaume de Bohême majoritairement réformé. S’ensuivent trente années de guerre, aggravées par la propa­gation de famines et d’épi­démies, dont la peste.
Pour évoquer ce long conflit, les réalisateurs ont eu deux priorités :
– La construction d’un récit chronologique, qui permet de saisir que la religion compte très vite bien moins que les calculs géopolitiques et les rivalités dynastiques. Après une phase initiale essentiellement interne à l’empire a eu lieu un moment danois, puis un autre où la Suède s’imposa sur la scène internationale avant que la France, en 1635, ne s’engagea en première ligne.
– Le choix d’une évocation humaine avec un panel de protagonistes très différents. Leur témoignage, direct (correspondance, Mémoires et messages chiffrés) ou indirect (actes judiciaires et chroniques locales), permet de mesurer comment le drame fut vécu, que l’on soit fille de roi (Elizabeth Stuart, dont le père règne sur l’Angleterre et l’Écosse), peintre célèbre servant de diplomate au roi d’Espagne (Rubens, durant la première décennie du conflit), ou encore conseiller écouté d’un ministre tout-puissant (le père Joseph, « éminence grise » du car­dinal de Richelieu). Mais aussi par une aubergiste, accusée d’être une sorcière dans ce temps où l’on voyait le diable partout. Ou enfin par Peter Hagendorf, mercenaire luthérien qui s’engagea cependant dans n’importe quel camp, indifférent aux enjeux religieux, pourvu qu’il gagnât sa vie. Il ­traversa tout le conflit et en fit le récit avant de s’éteindre, presque octogénaire, en 1679.
Les derniers épisodes seront diffusés le samedi 20 octobre.

Un recul du droit des femmes à disposer de leur corps en Europe

Des restrictions rétrogrades ont entraîné un recul des droits des femmes en matière d’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en Europe, estime mardi 5 décembre le Conseil de l’Europe, dans un rapport accompagné d’une série de recommandations aux États membres.
Le droit à l’avortement est pour le moment reconnu dans 40 des 47 États membres du Conseil de l’Europe.
Le document épingle l’Arménie, la Géorgie, la Macédoine, la Russie et la Slovaquie, qui ont adopté récemment des mesures renforçant les critères à remplir pour les femmes afin d’avoir accès à l’avortement. Il rappelle aussi qu’en Pologne une loi a réintroduit l’obligation d’obtenir une prescription médicale pour accéder à un moyen de contraception d’urgence.
Mais le rapport pointe aussi des législations hautement restrictives en matière d’accès à l’IVG en Irlande du Nord, Irlande, Andorre, au Liechtenstein, à Malte, Monaco, et San Marin, qui n’est souvent autorisée qu’en cas de risque pour la vie ou de viol. Dans la plupart de ces juridictions, des peines de prison (jusqu’à la perpétuité en Irlande du Nord) sont prévues pour les femmes ne respectant pas la loi. En Italie, sept professionnels de santé sur dix refusent d’autoriser un avortement, invoquant une clause de conscience. En Turquie, une femme mariée doit obtenir le consentement de son époux pour mettre un terme à sa grossesse.

D’après un article du Monde.fr

Un livre à lire ?

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Le sommaire de cette copieuse somme de plus de 1300 pages…

PRESENCES DU PASSE
Résoudre le passé
1 – Brûlures
L’ombre de la Seconde Guerre mondiale – La Première Guerre mondiale : suicide de l’Europe – Mourir pour la patrie – La guerre d’Espagne : des frères qui se tuent – Le nazisme, une histoire européenne – Le pacte germano – soviétique – Résistants et collaborateurs – La trahison de Yalta – Nuremberg, la dernière bataille – Vies et destins
brisés – L’Europe des génocides – Les disparus – Les lendemains qui déchantent – De Torquemada à la Stasi – Le dissident – Le mythe du Kosovo – De la Terreur au terrorisme – Berlin, emblème du XXe siècle.
2 – Récits
Comment faire la paix – La réconciliation vue d’Asie – La citoyenneté sociale – Les droits de l’homme Lumières, Enlightenment, Aufklärung, Haskalah – La démocratie loin d’Athènes – La Raison – L’histoire comme inspiration – La Liberté guidant le Peuple –
L’aura de l’image – 1968 traînée de poudre – 1989 la fin des illusions.
3 – Berceaux
La nymphe Europe – Homère – Un seul Dieu tu adoreras – Les barbares, les sauvages et nous – Rome, histoire d’une ville, histoire du monde – La promesse du droit – Jérusalem, Athènes et Rome – L’islam : le même et l’autre de l’Europe – Culture arabe, culture latine – Averroès passeur d’Aristote.
4 – Corps à corps
La barricade, bouclier du peuple – La grève, l’émancipation à l’oeuvre – La lutte des classes – L’empreinte des femmes : un supplément à l’Histoire – L’homosexualité, désir muselé – La Contre- Révolution, revanche des vaincus – Le fantasme de la décadence – Bruxelles ou la sortie de l’Histoire – Chantier en cours.

LES EUROPE
Lignes de partage
1 – Héros et âmes damnées
Alexandre et César – Les légendes de Napoléon – Le tyran ou la perversion du pouvoir – Churchill (in) flexible – Jeanne Oriflamme – Luxemburg et Curie : destins de croisées – Leonardo, génie idéal – L’Homme de Vitruve, métaphore du monde – Comment Shakespeare a inventé l’Européen.
2 – Paysages imaginaires
Les campagnes – La peste et le loup – Clochers et beffrois – La place, coeur battant – La ville rend libre – Manchester et Lodz : L’enfer sur terre – Les trois ordres, spectre de l’inégalité – Empire et nation, un débat jamais tranché – Les Habsbourg : un État d’esprit.
3 – Passions et sortilèges
L’amour tragique – L’amour libre – Apprendre à mourir – Saint-Jacques : le sens du chemin – Luther, Ignace, Calvin : la passion du salut – Le diable et la sorcière – Faust : vendre son âme – Les émotions du stade – Féérie ancestrale – Don Quichotte à l’assaut des rêves.
4 – Fronts et frontières
L’histoire de l’Europe est celle de ses frontières – Le mur d’Hadrien – 1054 ou les deux Rome – Les remparts de la chrétienté – Le Juif errant – Rhin, Elbe, Oder, Oural – Vins et bières : la carte des boissons – La traversée des Alpes – Europe(s) centrale(s) – Les fantômes du mur de Berlin – Tchernobyl, angle mort.
5 – Croisements et confluences
La Méditerranée, le centre de gravité – Venise à contre-courant – Le carrefour adriatique – Constantinople, Byzance, Istanbul – Les Balkans confinés – Prague aux mille vies – Au Nord, la Hanse et la Baltique – Saint- Pétersbourg, fenêtre sur l’Europe.
6 – Mots et dépôts
Babel ou le Paradis : les langues de l’Europe – La bibliothèque, sanctuaire de la pensée – Gutenberg et Érasme : de la lettre à l’esprit – Le globish du Moyen Âge – Amsterdam borderline – Montmartre et Montparnasse – Vilnius, Wilno, Wilna, Vilne – L’Europe et le Roman.

MEMOIRES-MONDE
L’Europe et le monde, le monde en Europe
1 – Conquérir
Le monde en cartes – Partager le monde – La controverse des croisades – Marco Polo et Matteo Ricci – Christophe Colomb et Vasco de Gama – Qui a découvert l’Amérique ? Tour du monde, tour des hommes – Les canons, le sextant et la machine à vapeur – Les fantômes de l’esclavage – L’Atlantique noir – L’humanitaire en question.
2 – Imposer
Quand l’Europe nomme le monde – America, terre promise – L’horloge et le calendrier – Quand l’Amérique a inventé la science européenne – L’archéologie est-elle une science coloniale ? – La colonisation impensée – Le Congo n’aime pas Tintin – Les bagnards de l’Australie – Dakar, le puzzle de mémoires.
3 – Exporter
Le capitalisme par-delà le bien et le mal – Les fortunes de la Révolution – La kalachnikov, icône de la guerre – L’illusion maoïste – Senghor, Lumumba et Cabral Kipling, Tagore et Gandhi – Meiji : le Japon sous influence – Le savoir hors de l’Église et de l’État – La langue de l’opéra – Hollywood, fabrique de souvenirs de l’Europe – Comment la cuisine est devenue un art.
4 – Echanger
Le goût du luxe – Souvenirs intimes, souvenirs du monde : Vermeer – Le musée au risque de la mémoire – Le patrimoine, le Monde à portée de main – Trois mythes qui ont fait l’Amérique – Swinging London – Un amour de Coccinelle – Écrire entre les mondes – Poussières d’empires – Irréductible passeport – Va-et-vient – Mosquées et minarets- La vieille Europe – L’Europe devant le monde.