Catégorie : Diderot

Une lecture passionnante

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J’ai terminé ce midi la biographie de Denis Diderot par Jacques Attali. Entamée hier, je l’ai lue d’une traite, avec plaisir, en y retrouvant le talent de l’auteur pour raconter, sans jamais lassé. Je me suis rendu compte que je connaissais rien de la vie du principal directeur et auteur de l’Encyclopédie et assez peu de ses écrits, en dehors de ladite encyclopédie et de ces romans. Cela m’a donné envie de me procurer ses oeuvres, éditées chez Robert Laffont et de lire plus particulièrement sa correspondance.

Voici deux citations trouvées dans la biographie que je compte réutiliser l’an prochain dans le cours de quatrième sur les Lumières :
– A propos de l’Encyclopédie :
«Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits, et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité ; mais il y aura longtemps que nous serons réduits dans une poussière froide et insensible lorsqu’on nous en saura quelque gré.»
Diderot, lettre à Sophie Volland.

«La liberté est la propriété de soi. On distingue trois sortes de liberté : la liberté naturelle, la liberté civile, la liberté politique ; c’est-à-dire la liberté de l’homme, celle du citoyen et celle d’un peuple. La liberté naturelle est le droit que la nature a donné à tout homme de disposer de soi à sa volonté. La liberté civile est le droit que la société doit garantir à chaque citoyen de pouvoir faire tout ce qui n’est pas contraire aux lois. La liberté politique est l’état d’un peuple qui n’a point aliéné sa souveraineté et qui fait ses propres lois, ou est associé en partie à sa législation. La première de ces libertés est, après la raison, le caractère distinctif de l’homme.»
Collaboration de Diderot à l’ Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, de Guillaume-Thomas Raynal, 3e édition, J.-L. Pellet, Genève, 1780.

Le bonheur de penser

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« Pourquoi « le bonheur de penser » ?
Le bonheur de penser, qu’incarne Diderot, a été et reste un enjeu d’une immense importance. Car si le seul sujet qui occupe les hommes, en fait, est celui de leur bonheur, penser en est une des sources principales avec l’amour, la liberté et la satisfaction des besoins matériels. Penser, c’est réfléchir, raisonner, méditer, mais aussi rêver, créer, fantasmer.
Penser est une forme extrême d’épanouissement, une des plus mystérieuses activités humaines. Notre cerveau reste un continent encore largement inexploré : qu’est-ce que penser ? Comment pense-t-on ? Comment a-t-on conscience de soi ? Comment viennent les idées ? Comment raisonne-t-on ? Comment réfléchit-on ? Comment apprend-on ? Comment crée-t-on ? A-t-on besoin de voir, d’entendre, de sentir, de toucher, de lire pour penser ? Existera-t-il un jour, grâce aux technologies qui rendront possible la transmission de pensée, quelque chose comme une pensée collective ? Les croyances et les idéologies n’en constituent-elles pas les prémices ?
Les neurosciences démontreront bientôt, j’en suis sûr, que penser est une activité nécessaire à la santé, à la vie même. En même temps qu’une des dimensions les plus originales de la condition humaine : quelle machine pourrait rivaliser avec toutes les potentialités du cerveau ? Aucune, à l’évidence. 100 milliards de neurones, avec 10 000 connections possibles pour chaque neurone. Quel plaisir pourrait être plus grand que d’en faire un usage aussi vaste que possible ? Aucun, évidemment.
L’acte de penser est aussi un acte politique. Parce que le droit et le devoir de penser font partie des droits et des devoirs de l’homme. »

J’ai trouvé ce passage dans l’introduction de la biographie de Diderot écrite par Jacques Attali.

Les différences entre l’Encyclopédie et les autres dictionnaires

Diderot, dans ses Pensées philosophiques de 1746 et Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique de 1764, voulaient mettre en évidence les « absurdités »de toute religion qui se prétend révélée, et du christianisme en particulier face à la raison humaine.  » Tous les peuples ont de ces faits, à qui, pour être merveilleux, il ne manque que d’être vrais ; avec lesquels on démontre tout, mais qu’on ne prouve point ; qu’on n’ose nier sans être impie, et qu’on ne peut croire sans être imbécile. » Écrivit ainsi Diderot.
Cette démarche se retrouve donc dans l’Encyclopédie, au fil des articles consacrés à la religion. Nous avons par exemple cherché la définition du mot « Dieu » dans l’Encyclopédie et voici ce que nous avons lu :
DIEU, s. m. (Métaph. & Théol.) : Tertullien rapporte que Thalès étant à la cour de Crésus, ce prince lui demanda une explication claire & nette de la Divinité. Après plusieurs réponses vagues, le philosophe convint qu’il n’avoit rien à dire de satisfaisant. Cicéron avoit remarqué quelque chose de semblable du poëte Simonide : Hieron lui demanda ce que c’est que Dieu, & il promit de répondre en peu de jours. Ce délai passé, il en demanda un autre, & puis un autre encore : à la fin, le roi le pressant vivement, il dit pour toute réponse : Plus j’examine cette matiere, & plus je la trouve au-dessus de mon intelligence. On peut conclure de l’embarras de ces deux philosophes, qu’il n’y a guere de sujet qui mérite plus de circonspection dans nos jugemens, que ce qui regarde la Divinité : elle est inaccessible à nos regards ; on ne peut la dévoiler, quelque soin qu’on prenne (…)
Puis nous avons trouvé l’article « croire » :
CROIRE, v. act. & neut. (Métaphysique.) C’est être persuadé de la vérité d’un fait ou d’une proposition, ou parce qu’on ne s’est pas donné la peine de l’examen, ou parce qu’on a mal examiné, ou parce qu’on a bien examiné. Il n’y a guère que le dernier cas dans lequel l’assentiment puisse être ferme & satisfaisant.

Pour faire comprendre aux élèves la subtilité prudente dont firent preuve les rédacteurs de l’Encyclopédie, nous avons cherché les mêmes définitions dans un dictionnaire récent :
DIEU, nom masculin (latin deus) : Dans les religions monothéistes, être suprême, transcendant, unique et universel créateur et auteur de toutes choses, principe de salut pour l’humanité, qui se révèle dans le déroulement de l’histoire (avec majuscule, considéré comme un nom propre).
CROIRE, verbe transitif indirect : Être certain de l’existence de quelqu’un, de quelque chose, de la véracité de quelque chose : Croire aux revenants.
Tenir quelque chose pour véritable, vrai, vraisemblable ou possible : Tout le monde a cru à un accident.

L’exercice a été difficile, mais certains élèves ont compris les nuances et l’audace du contenu de l’Encyclopédie pour l’époque.

Les quatrièmes et l’Encyclopédie

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Dans le cadre du chapitre sur l’Europe des Lumières, les élèves de quatrième doivent faire connaissance avec l’Encyclopédie. Ayant observé que la manipulation aidait les élèves à se concentrer et à se motiver, j’ai donc amené quelques tomes de l’ouvrage de Diderot et D’Alembert à mes élèves. Il s’agit de l’édition genevoise de 1777 – 1780 : présentée comme la 3ème édition de l’Encyclopédie et publiée en Suisse par Jean Léonard Pellet à Genève, cette « Nouvelle édition » comprend en fait d’importants changements. Elle compte 39 volumes  dont 3 volumes de planches (au lieu des 35 de la première édition).

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Au préalable, les élèves avaient théoriquement visionné cette vidéo à la maison pour préparer la séquence.

Passé le premier moment d’étonnement, les remarques ont fusé, pas toujours positives (« c’est sale », ça pue », « c’est quoi ce vieux truc »…). J’ai pu observé que des élèves, assez nombreux, ne connaissaient pas l’usage d’un dictionnaire. Presque tous  se sont avérés incapable de lire la date inscrite en chiffres romains.

Pages de L'encyclopédie

Bref, après une heure de travail, ils avaient péniblement rempli cette page de questions sur la page de titre.

Je suis déçu par cette séance.

 

7 février 1752 : interdiction de publier l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert

Un arrêté du conseil du roi Louis XV interdit l’impression et la diffusion des deux premiers volumes de « L’Encyclopédie » ou « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». L’œuvre collective dirigée par Denis Diderot et d’Alembert est jugée subversive par les Jésuites qui la qualifie « d’athée et matérialiste ». Le contenu politique et philosophique, plus que les parties techniques et scientifiques, est décrié. Les thèses développées par l’abbé de Prades, un des contributeurs de l’Encyclopédie, sont, selon les membres du conseil, « contaminées par l’esprit voltairien ».