Dans l’un des chapitres consacrés à Heidegger, Marcel Conche revient sur sa conception du rôle de la philosophie.
« La philosophie est recherche de la vérité. Mais il lui est essentiel de ne pas aboutir à ce qu’elle a visé : le philosophe n’atteint pas la vérité, mais seulement sa vérité. (…) Autrement dit, les « vérités » philosophiques sont différentes parce que les philosophes vivent dans des mondes différents. Une grande philosophie est nécessairement en accord essentiel avec le monde du philosophe. Un professeur de philosophie d’aujourd’hui – qui n’est pas à proprement parler, un philosophe – , peut se dire « thomiste », « kantien », « hégélien », etc. En ce cas, vivant dans un certain monde, le nôtre, celui où il y eut Auschwitz et Hiroshima, il pense comme s’il vivait dans un autre, et donc dans l’abstraction à l’égard du propre de son monde. »
Puis il explique pourquoi la philosophie d’Heidegger introduisit une rupture dans la pensée :
« Il est en phase avec ce monde, ce qui n’est le cas, alors, d’aucune autre philosophie, au moins d’une façon aussi intime. Lorsque Heidegger questionne, c’est la souffrance même d’un monde qui questionne en lui. Voici ce qu’écrit F. Heinemann en 1935 : « Aujourd’hui notre intellect, loin de planer librement, se trouve enfoncé avec violence dans la profondeur de l’existence. Nous posons des questions, et c’est une souffrance profonde, inconcevable, qui les pose en nous : la souffrance suscitée par la dense cohue des évènements contemporains : guerre, révolution, décomposition de la société bourgeoise et des valeurs supposées éternelles d’une culture plus de deux fois millénaire, crise du capitalisme, inflation, déflation. En nous ce qui pose les questions, c’est ce fait central, dont les évènements ci-dessus énumérés ne sont que des aspects partiels : la catastrophe de l’homme. »
Aurais-je trouvé la philosophie « pessimiste » que je recherche ? Dois-je lire Heidegger ?
Dans un autre chapitre, toujours en évoquant Heidegger, Conche cite Montaigne :
« Pourquoi prenons-nous le titre d’être, de cet instant qui n’est qu’une eloise dans le cours infini d’une nuit éternelle, et une interruption si brève de notre perpétuelle et naturelle condition ? » (Essais, II, XII, PUF, p. 526). Notre condition quasi perpétuelle : de n’être pas encore, ou de n’être plus. »
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