Étiquette : Première guerre mondiale

Mémoire sélective ou ignorance ?

Lorsque j’aborde la Première Guerre mondiale avec les élèves, je leur explique que l’attentat de Sarajevo, qui a déclenché cette guerre, n’est que la cause immédiate, le prétexte, au déclenchement des hostilités entre de nombreux pays, mais que les causes sont plus profondes et complexes. Je leur montre que de nombreux soldats de tous les pays sont partis au combat sans savoir qui était François Ferdinand et où était la Serbie.
Cette méconnaissance  a reçu une confirmation gênante le 11 novembre dernier lors des cérémonies officielles de commémoration : les services de l’Élysée ont relégué le président serbe en dehors de la tribune officielle, l’excluant donc du champ des caméras, alors qu’étaient assis autour du président français, les présidents de la Russie, des États-Unis, de l’Italie et de la Roumanie, tous pays alliés de la France durant la Grande Guerre, mais aussi les présidents bulgare, turc et la chancelière allemande, dirigeants de pays ennemis durant la guerre. Et même du président du Kosovo, pays constitué avec une partie de la Serbie de 1914.
À son retour, le chef de l’État serbe a avoué avoir été tenté de se lever et de quitter les lieux, mais il a renoncé, estimant déplacé de faire un esclandre, aussi légitime fût-il, en ce jour de mémoire.
La Serbie est pourtant le pays pour lequel la France est officiellement entrée en guerre en 1914 en vertu d’une alliance diplomatique et géopolitique, mais aussi d’une étroite relation historique (en 1389, les cloches de Notre-Dame-de-Paris saluèrent ce qu’on croyait être une victoire des Serbes chrétiens sur les Ottomans musulmans lors de la bataille de Kosovo), militaire (il y eut même au XIXe siècle un ministre de la Guerre serbe qui était Français : Hippolyte Mondain) et économique (en 1914, les 4/5e de la dette serbe étaient aux mains du capital français qui avait par ailleurs considérablement investi dans les mines, les transports ferroviaires et les banques du pays).
Ce pays a vu 1,2 million de ses habitants périr au cours du conflit , soit 28 % de sa population. Des milliers de tombes de Poilus français et de combattants serbes sont alignées dans les cimetières de Thessalonique, Monastir, Skoplje ou Belgrade, territoires libérés de concert par les divisions serbes et françaises du front d’Orient.
Nous devons de profondes et sincères excuses au peuple serbe et à son dirigeant et il faudrait faire faire un stage d’histoire aux personnes entourant le président de la République.

D’après un article du Figaro.fr

 

L’état de la France dans les années vingt

En cinq ans, les combats ont annulé en France la croissance démographique des quarante années qui ont précédé le conflit, et ce malgré 1,7 million d’Alsaciens-Lorrains redevenus Français. La disparition en masse de jeunes hommes a fait chuter le nombre de mariages et de naissances, faisant baisser la fécondité française à un niveau jamais atteint. Sur les 630 000 veuves de guerre, un peu plus de la moitié ne sont pas remariée. Les affrontements ont aussi provoqué près de 4 millions de blessés au sein de la population, dont 1 million d’invalides. Pour remédier à cette catastrophe démographique, la France a eu recours à l’immigration, la recherche de la baisse de la mortalité ainsi qu’à une politique résolument nataliste. Cette époque a vu notamment apparaître les caisses d’allocations familiales, ainsi qu’un Conseil supérieur de la natalité.

Le coût total de la guerre de 14-18 en France donne le vertige: aux soldes et au matériel de guerre payé s’ajoutent les pensions aux familles, le remboursement de la dette, la reconstruction des infrastructures. La guerre a ainsi entraîné une explosion du rapport entre les dépenses publiques et le revenu national, établit en 1921 à 270% et qui ne redescendit à 100% qu’en 1929. Les dépenses liées à la dette représentaient ainsi 1,6% du revenu national en 1912, 4,9% en 1920 et jusqu’à 7,3% en 1923. Pour restaurer les finances publiques, l’État profita de la mise en place de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les bénéfices de guerre, créé en juillet 1916, visant les «profiteurs de guerre».

Le chantier de la reconstruction était titanesque : 620 villages ont été détruits, de même que 300 000 bâtiments. 3 millions d’hectares agricoles ont été endommagés par les conflits. L’historien Fernand Braudel a estimé le coût de la reconstruction à plus de 35 milliards de francs-or, une somme toutefois difficile à vérifier. Cette reconstruction a été financée en partie par les emprunts lancés en 1920-1921, ainsi que par le «crédit national pour la reconstruction» de 1919. Les plans de reconstruction qui s’échelonnèrent entre 1920 et 1923 étaient assumés en partie à cause de l’idée que l’Allemagne paiera les réparations.

La guerre a entraîné trois mutations majeures dans le pays. D’une part, le recours au travail des femmes a participé de leur émancipation. Elle fut toutefois mesurée : les citoyennes durent pour la plupart quitter leur poste à la fin de la guerre, et la politique nataliste de l’entre-deux-guerres les replaça rapidement dans leur rôle de mères. D’autre part, le conflit et la révolution russe de 1917 forcent la France à reconsidérer son influence internationale et à mettre en avant la notion de «plus grande France» en modernisant l’Empire colonial. Enfin, les investissements réalisés durant la guerre ont permis à la France de rattraper son retard dans la 2ème révolution industrielle, notamment grâce aux importations d’outils et de machines américaines ainsi que l’implantation de méthodes d’ingénierie et de gestion venues d’outre-Atlantique dans les entreprises françaises.

D’après un article du Figaro.fr

11 novembre 1918 : l’armistice est déclaré

Présente dans les rues de Paris le 11 novembre 1918, Élise Bidet décrivit une ville en fête dans une lettre adressée deux jours après, le 13 novembre, à son frère, Edmond Massé, toujours mobilisé.
Ce texte, repéré et publié dans Paroles de poilus, a été mis en scène par Franceinfo pour illustrer le centenaire de l’armistice.
La durée de l’armistice avait été fixée à 36 jours. Il fut prolongé à trois reprises jusqu’en 1919 et le traité de Paix de Versailles.

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La treizième et dernière page de la convention, la seule dactylographié à l’époque, porte les signatures du maréchal Foch et de  l’amiral Wemyss, représentant britannique d’un côté. Et de l’autre, du ministre allemand Erzberger, du général Winterfeldt, du comte von Oberndorff, représentant des affaires étrangères et du capitaine de vaisseau Vanselow.

L’exemplaire français de la convention originale d’armistice (l’exemplaire allemand n’existe plus) est conservé depuis 1921 par le Service historique de la Défense. Il est exposé jusqu’au 22 janvier 2019 au château de Vincennes dans le cadre de l’exposition «L’Armistice : 11 novembre 1918, un document une histoire». Il y est accompagné d’images et de films d’archives, de cartes militaires et de résumés historiques. Ouverte à la page 13, la convention fait apparaître les signatures des belligérants.
Infos pratiques : «L’Armistice : 11 novembre 1918, un document une histoire», jusqu’au 22 janvier 2019 au château de Vincennes. Entrée libre.
Horaires d’ouverture : lundi de 13h à 17h, du mardi au jeudi de 9h à 17h, le vendredi de 9h à 16h et le samedi de 9h30 à 15h.
L’exposition sera ouverte exceptionnellement dimanche 11 novembre de 13h à 17h avec des visites guidées à 14h et 15h30.

Souvenir et commémoration de la Grande guerre en Allemagne

(entretien avec Erich Hässler, né en 1899)

Erich Kästner, dernier soldat de l’armée impériale allemande, est mort le 1er janvier 2008, près de Cologne, à l’âge de 107 ans, dans l’indifférence presque générale. Interrogé à l’époque, le ministère allemand de la Défense n’avait par exemple rien à déclarer. Il n’y a eu aucune réaction officielle. La Fédération allemande des associations de soldats, qui représente les vétérans, n’a pas non plus conservé sa trace puisqu’aucune archive officielle sur les combattants de la Première Guerre mondiale n’existe en Allemagne.
Pourquoi cet oubli ? Le contexte de la Seconde Guerre mondiale a fait disparaître la Première Guerre mondiale. Cette dernière est incluse dans ce que les Allemands appellent la catastrophe du XXe siècle, qui a vu l’émergence et la victoire du nazisme. D’autant que la Grande Guerre a fait l’objet d’une instrumentalisation de la figure du combattant par les nazis à travers les héros des tranchées. Ils ont mis en avant le soldat de 14, notamment avec la figure d’Hitler,  ce qui a donc discrédité la mémoire des anciens combattants après 1945.

 

 

 

(série de cartes postales allemandes montrant Hitler durant la Grande guerre)

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Le 11 Novembre n’est pas commémoré en Allemagne. La date de l’armistice est peu connue de la population allemande et n’évoque pas grand-chose, si ce n’est le carnaval à Cologne, qui commence chaque 11 novembre à 11 heures.

D’après un article de France Info.

Et si l’Allemagne avait gagné la Première Guerre mondiale ?

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À quoi ressemblerait le monde si l’Allemagne de Guillaume II avait gagné la bataille de la Marne en septembre 1914 ? Si finalement, un an plus tard, elle était sortie victorieuse de la Première Guerre mondiale ? L’étrange ouvrage L’Autre siècle tente de répondre à ces questions.
Pour donner vie à cette uchronie, sept historiens et cinq auteurs de fiction se sont en effet associés, qui rédigeant un essai, qui une nouvelle. On consulte ainsi le journal d’un psychiatre berlinois et les notes d’une mission chinoise sur le Reich asiatique. On analyse le traumatisme des soldats français revenus du front, vivants mais vaincus, ou les espoirs suscités par une Amérique gardienne de la paix.
Tous ces auteurs nous plongent dans un monde à la fois étrange et familier et nous poussent à interroger l’Histoire.

Voir et entendre Georges Clemenceau

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En préparant une exposition sur Georges Clemenceau, les services de l’Assemblée nationale  ont retrouvé le seul film sonore connu à ce jour de Georges Clemenceau, tourné dans les années 1920, au moment où le cinéma parlant fait son apparition dans les salles. Ce document avait été oublié dans les archives britanniques de l’agence américaine Associated Press.
On y voit l’ancien président du Conseil et ministre de la Guerre de 1917 à 1920, vers la fin de sa vie, dans sa maison en Vendée.
L’ensemble des documents, archives, affiches ou tableaux de l’exposition sont à découvrir à l’Assemblée nationale, du 15 septembre au 13 octobre. L’Exposition est gratuite après inscription obligatoire sur le site de l’Assemblée.

Des obus de la Première guerre mondiale retrouvés dans la Meuse

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Après qu’un promeneur a signalé la présence d’obus dans la Meuse, visibles grâce à la sécheresse, ce sont six tonnes de munitions allemandes de la Première Guerre mondiale, immergées depuis une centaine d’années, que les plongeurs – démineurs ont récupéré, ces mardi 5 et mercredi 6 septembre 2018.
Les soldats allemands les auraient jetés dans l’eau vers la fin de la guerre, afin que les Français ne puissent les récupérer.

D’après un article FranceInfo.

Un témoignage sur l’entrée en guerre en 1914

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Il s’agit d’une lettre de Lucien Febvre, écrite le 1er août 1914, issue du fonds d’archives Lucien Febvre des Archives nationales/École des Hautes Études en Sciences sociales, (AN/591 AP/NC/75).
Lucien Febvre, après avoir soutenu sa thèse sur Philippe II et la Franche-Comté, était professeur d’histoire à la Faculté des Lettres de Dijon, mais se trouvait à Besançon pour ses congés. Il travaillait à un livre sur la géographie, qui paru en 1922 sous le titre La Terre et l’Evolution humaine. Son correspondant Henri Daudin était professeur de philosophie au lycée de garçons de Bordeaux. Il s’intéressait aux sciences biologiques et fut l’un des initiateurs des études d’histoire des sciences en France.
Ils étaient tous deux militants du Parti socialiste unifié autour de Jaurès.

« Mon cher ami,

Comment pouvez-vous encore douter, ou vouloir douter de la guerre ? Question de latitude, évidemment. Si vous étiez ici, vous n’en douteriez pas. J’y crois depuis 2 jours – j’y crois est trop peu dire, j’en suis assuré. Je suis tout étonné de n’être pas encore rappelé, alors que tant d’hommes de mon âge le sont déjà, soit comme gardes de communication, soit pour les services de bureau. Il est vrai que je suis combattant, et que je ne partirai vraisemblablement qu’à mon heure régulière, le 2e jour de la mobilisation. Mais cela ne fait pas de doute pour moi que ce sera demain ou après-demain.

C’est volontairement que je ne vous parle pas de cette horrible minute où j’ai appris, ce matin, le deuil qui nous frappait tous. L’atroce nouvelle, et toute une part, la meilleure, la plus pure, la plus nourrissante de notre jeunesse, frappée à mort par la balle d’un de ces pauvres fous – que je n’ai même pas la consolation de maudire et de haïr. Toutes leurs peaux nous le rendraient-elles, lui ? L’âpre et cruel symbole, à cette minute. C’est une belle mort pour lui. Mais ce n’est pas celle qu’il aurait voulu. Et nous, qui nous prenions à le souhaiter, pour de si longues années encore, vivant, et intact… C’est trop atroce. Je n’en veux plus parler, parce que je ne fais qu’y penser, et qu’on n’est pas de trop ici, au milieu de cette mobilisation, qui dure depuis 2 jours déjà, qui occupe tout le monde, qui raidit tout le monde – pas de trop de tous ses nerfs et de tout son sang-froid.

Vous savez mon régiment : 54e territorial, à Besançon. Je ferai tout mon possible, mon cher ami, pour me tenir en relations constantes avec vous – mais sera-ce possible ? Je pense que nous occuperons les forts de Besançon, au moins provisoirement, et sans en être plus sûr que cela. Je serai sans doute aux mitrailleuses, puisque j’ai fait un stage dans mes 9 jours.

Nous sommes de ceux qui n’avons rien à nous reprocher de ces événements – de ceux qui avons toujours lutté pour la paix et contre la guerre. Mais il faut bien reconnaître que plus rien ne dépend de nous. La volonté de guerre des autres. La volonté de guerre des nationalistes et des militaires d’Autriche et d’Allemagne me paraît indiscutable. Je ne vois pas prise à la critique, à notre critique, ni sur la Russie, autant qu’on puisse savoir,– ni sur nous, évidemment –, ni sur l’Angleterre, à plus forte raison, s’il est vrai (mais est-ce vrai ?) que l’Angleterre marche. Nous sommes dans un train express dont les freins ne marchent plus. Il me paraît vain de crier dans les wagons. Il n’y a qu’à donner l’exemple du calme et du sang-froid, si on peut. J’ajoute aussi du courage, parce que le courage, c’est le calme. Et il est beau et réconfortant pour nous de ne lire que la lâcheté et l’ignoble peur sur les faces des braillards qui, hier encore…

Cette lettre vous parviendra-t-elle ? Je veux dire du moins sans trop de retard ? Qu’elle vous porte à vous, à votre femme, pour vous et tous les vôtres, présents et futurs – les vœux que je forme, du fond du cœur, pour votre bonheur. Encore une fois j’essayerai de vous écrire ; mais quand nous reverrons-nous ? Bien à vous, L. Febvre.« 

Lucien Febvre a combattu pendant cinq ans, toujours en première ligne, terminant la guerre en qualité de capitaine d’une compagnie de mitrailleuses.