La représentation du Prophète dans l’islam

Je cite ici des passage d’un très bon article de synthèse trouvé sur le site de l’Institut français du Proche-Orient et signalé par mon collègue monsieur Fonvieille.

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miniature d’un manuscrit du XIVe siècle, le Compendium des Histoires de Rashîd al-dîn (Edinburgh University Library, MS Arab 20).

 

« Contrairement à une idée reçue fort répandue dans les milieux musulmans et non musulmans, le Coran n’interdit en aucune manière la représentation figurée, celle des hommes pas plus que celle des animaux. La réprobation coranique est en revanche très forte envers les pratiques idolâtres qui auraient caractérisé le polythéisme de l’Arabie préislamique. Il s’agit de la condamnation, ferme et précise, de l’utilisation dans le cadre du culte d’images de divinités, peintures, statues ou statuettes.
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De fait, dans l’empire islamique en formation, l’usage des représentations figurées (humaines et animales) fut rapidement banni des lieux de culte musulmans, sans que soient pour autant interdits les décors floraux ou figuratifs qui ornent par exemple les mosaïques de la mosquée des Omeyyades de Damas, construite au début du viiiesiècle.
Plus que dans le Coran, une méfiance plus générale envers les images s’exprime dans certains textes de la tradition musulmane, notamment dans le corpus des hadiths, qui relatent sous forme de petits récits des actes et des dires attribués à Muhammad. La fonction première des hadiths était d’apporter une réponse normative aux nombreuses questions non résolues par le texte coranique : les faits et gestes du prophète, ses déclarations et même parfois ses silences, tels qu’ils furent rapportés d’abord oralement par ses Compagnons puis par les générations suivantes, sont interprétés comme des modèles de comportement. L’ensemble des hadiths tenus pour authentiques par les savants des premiers siècles de l’islam constitue la Sunna.

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Les textes juridiques musulmans anciens débattent aussi parfois la question de la licéité des images ; bien que les avis n’aient pas tous été concordants en la matière, à partir du VIIIe siècle, le droit musulman naissant se montre dans l’ensemble réticent envers la production et l’usage d’images d’hommes et d’animaux. Cette réticence des juristes, touchant principalement le domaine du culte, ne conduisit pas, dans un premier temps, à bannir toute représentation imagée dans le domaine profane.
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Parmi les figures humaines représentées par des artistes du monde musulman, celle de Muhammad ne semble pas, dans un premier temps, avoir constitué une exception notable. Les miniatures le représentant à visage découvert se multiplièrent à partir du XIIIe siècle, sans que ces représentations ne suscitent de débats enflammés parmi leurs contemporains. Il est vrai que ces ouvrages comptaient sans doute un nombre restreint de lecteurs, issus majoritairement des milieux aristocratiques susceptibles de commanditer ou d’acquérir de tels produits de luxe.
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À partir du XVIe siècle, les portraits figurés du prophète de l’islam devinrent plus rares, et une iconographie particulière se développa, qui consistait à voiler le visage de Muhammad ou à le symboliser par une flamme, ou parfois par son nom calligraphié. Les historiens de l’art ont même mis en évidence certains cas où des peintures anciennes, qui figuraient visiblement ses traits, ont par la suite été grattées, effacées ou, plus discrètement, recouvertes d’un voile masquant son visage.

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Miniature extraite de la version illustrée d’une chronique du XVIe siècle (Istanbul, Musée des arts turcs et islamiques). Le voile sur le visage de Mahomet a sans doute été ajouté après coup.

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À l’époque contemporaine, la multiplication des images dans le monde musulman s’est accompagnée de phénomènes variés. Si, dans l’Iran chiite d’aujourd’hui, il n’est pas rare que des portraits imaginaires de Muhammad ou de l’imam Husayn décorent les rues en temps de festivités religieuses, en particulier pendant la commémoration du deuil de ‘âshûrâ’, le monde sunnite se montre globalement hostile à la représentation figurée de son prophète« .

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