Le poème sur Robert d’Aldalbéron de Laon

Dans ce poème dédié au roi des Francs et rédigé vers l’an Mil, l’évêque défint pour la première fois la division de la société médiévale en trois ordres. en voici quelques extraits :

L’EVÊQUE – « L’éternelle loi de Dieu ordonne à ses ministres de se maintenir toujours purs, mais elle veut aussi qu’ils soient affranchis de toute fonction servile. Le Seigneur les a choisis pour ses esclaves à lui seul ; lui seul aussi les juge et leur crie du haut des cieux de se montrer constamment sobres et chastes. Quant à tout le reste des hommes, quelle que soit leur naissance, Dieu les a par ses commandements soumis à ses ministres, et cette loi, quand elle dit tous les hommes, n’excepte même aucun prince. C’est à ses ministres que le Tout-Puissant ordonne d’enseigner à conserver la foi dans toute sa pureté, et de plonger ensuite dans les eaux de la fontaine sainte du baptême ceux qu’ils ont instruits. Ce sont ses ministres qu’il a établis médecins des âmes, et chargés d’employer le cautère de leurs discours à guérir les plaies gangrenées du cœur. »

(…)

« Outre celle des prêtres, la loi humaine en établit en effet deux bien distinctes. Le noble et le serf ne sont pas régis par la même loi. (…) Quant aux (…) nobles, nul pouvoir ne restreint leur liberté, s’ils ne commettent aucun de ces crimes qu’il appartient au sceptre des rois de punir; ceux-là sont appelés à porter les armes, protéger les églises, défendre ce qu’il y a de plus bas et de plus élevé parmi le vulgaire, et mettre également et tous et eux-mêmes à l’abri des dangers. La seconde classe contient tous les gens de condition servile. »

LE ROI — Cette classe malheureuse ne possède rien qu’elle ne l’achète par un dur travail. Qui pourrait, en les multipliant par eux-mêmes autant de fois qu’un damier contient de cases, compter les peines, les courses, les fatigues qu’ont à supporter les serfs infortunés?

L’EVÊQUE — Fournir à tous l’or, la nourriture et le vêtement, est la condition du serf; et en effet, nul homme libre ne peut vivre sans le secours du serf. Se présente-t-il quelque travail à faire, veut-on se procurer de quoi satisfaire à quelque dépense? les rois et les pontifes eux-mêmes sont alors les véritables esclaves des serfs.

LE ROI — Hélas! il n’y a aucun terme aux larmes et aux gémissements des serfs.

L’EVÊQUE —La famille du Seigneur, qui paraît une, est donc dans le fait divisée en trois classes. Les uns prient, les autres combattent, les derniers travaillent. Ces trois classes ne forment qu’un seul tout, et ne sauraient être séparées ; ce qui fait leur force, c’est que, si l’une d’elles travaille pour les deux autres, celles-ci à leur tour en font de même pour celle-là; c’est ainsi que toutes trois se soulagent l’une l’autre. Cette réunion, quoique composée de trois éléments, est donc une et simple en elle-même. C’est ainsi que la loi de Dieu domine le monde, et que par elle le monde jouit d’une douce paix. »

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