Catégorie : Lucien Febvre

Un témoignage sur l’entrée en guerre en 1914

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Il s’agit d’une lettre de Lucien Febvre, écrite le 1er août 1914, issue du fonds d’archives Lucien Febvre des Archives nationales/École des Hautes Études en Sciences sociales, (AN/591 AP/NC/75).
Lucien Febvre, après avoir soutenu sa thèse sur Philippe II et la Franche-Comté, était professeur d’histoire à la Faculté des Lettres de Dijon, mais se trouvait à Besançon pour ses congés. Il travaillait à un livre sur la géographie, qui paru en 1922 sous le titre La Terre et l’Evolution humaine. Son correspondant Henri Daudin était professeur de philosophie au lycée de garçons de Bordeaux. Il s’intéressait aux sciences biologiques et fut l’un des initiateurs des études d’histoire des sciences en France.
Ils étaient tous deux militants du Parti socialiste unifié autour de Jaurès.

« Mon cher ami,

Comment pouvez-vous encore douter, ou vouloir douter de la guerre ? Question de latitude, évidemment. Si vous étiez ici, vous n’en douteriez pas. J’y crois depuis 2 jours – j’y crois est trop peu dire, j’en suis assuré. Je suis tout étonné de n’être pas encore rappelé, alors que tant d’hommes de mon âge le sont déjà, soit comme gardes de communication, soit pour les services de bureau. Il est vrai que je suis combattant, et que je ne partirai vraisemblablement qu’à mon heure régulière, le 2e jour de la mobilisation. Mais cela ne fait pas de doute pour moi que ce sera demain ou après-demain.

C’est volontairement que je ne vous parle pas de cette horrible minute où j’ai appris, ce matin, le deuil qui nous frappait tous. L’atroce nouvelle, et toute une part, la meilleure, la plus pure, la plus nourrissante de notre jeunesse, frappée à mort par la balle d’un de ces pauvres fous – que je n’ai même pas la consolation de maudire et de haïr. Toutes leurs peaux nous le rendraient-elles, lui ? L’âpre et cruel symbole, à cette minute. C’est une belle mort pour lui. Mais ce n’est pas celle qu’il aurait voulu. Et nous, qui nous prenions à le souhaiter, pour de si longues années encore, vivant, et intact… C’est trop atroce. Je n’en veux plus parler, parce que je ne fais qu’y penser, et qu’on n’est pas de trop ici, au milieu de cette mobilisation, qui dure depuis 2 jours déjà, qui occupe tout le monde, qui raidit tout le monde – pas de trop de tous ses nerfs et de tout son sang-froid.

Vous savez mon régiment : 54e territorial, à Besançon. Je ferai tout mon possible, mon cher ami, pour me tenir en relations constantes avec vous – mais sera-ce possible ? Je pense que nous occuperons les forts de Besançon, au moins provisoirement, et sans en être plus sûr que cela. Je serai sans doute aux mitrailleuses, puisque j’ai fait un stage dans mes 9 jours.

Nous sommes de ceux qui n’avons rien à nous reprocher de ces événements – de ceux qui avons toujours lutté pour la paix et contre la guerre. Mais il faut bien reconnaître que plus rien ne dépend de nous. La volonté de guerre des autres. La volonté de guerre des nationalistes et des militaires d’Autriche et d’Allemagne me paraît indiscutable. Je ne vois pas prise à la critique, à notre critique, ni sur la Russie, autant qu’on puisse savoir,– ni sur nous, évidemment –, ni sur l’Angleterre, à plus forte raison, s’il est vrai (mais est-ce vrai ?) que l’Angleterre marche. Nous sommes dans un train express dont les freins ne marchent plus. Il me paraît vain de crier dans les wagons. Il n’y a qu’à donner l’exemple du calme et du sang-froid, si on peut. J’ajoute aussi du courage, parce que le courage, c’est le calme. Et il est beau et réconfortant pour nous de ne lire que la lâcheté et l’ignoble peur sur les faces des braillards qui, hier encore…

Cette lettre vous parviendra-t-elle ? Je veux dire du moins sans trop de retard ? Qu’elle vous porte à vous, à votre femme, pour vous et tous les vôtres, présents et futurs – les vœux que je forme, du fond du cœur, pour votre bonheur. Encore une fois j’essayerai de vous écrire ; mais quand nous reverrons-nous ? Bien à vous, L. Febvre.« 

Lucien Febvre a combattu pendant cinq ans, toujours en première ligne, terminant la guerre en qualité de capitaine d’une compagnie de mitrailleuses.

Une histoire de France qui m’intéresse

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L’Histoire mondiale de la France est un projet d’un collectif de 122 historiens réunis sous la direction de Patrick Boucheron qui veulent raconter l’histoire de la France en la remettant dans le contexte du vaste monde avec l’ambitio d’expliquer la France par le monde et d’écrire l’histoire d’une France qui s’explique avec le monde.
L’ouvrage se place dans le sillage de Lucien Febvre. Dans son cours au Collège de France de 1944, l’historien avait déjà posé la nécessité de déjouer « l’idée d’une France nécessaire, fatale, préfigurée, l’idée d’une France donnée toute faite par la nature à l’homme de France, en appelant France toute la série des formations, des groupements humains qui ont pu exister avant la Gaule sur ce qui est aujourd’hui notre sol« . Cet ouvrage collectif témoigne d’une histoire de France plurielle, ouverte, faite de rencontres, de brassages et de métissages.
Concrètement, le volume se présente sous une forme chronologique qui permet une lecture linéaire exhaustive autant qu’un butinage curieux. On y trouve des dates emblématiques, comme la bataille d’Alésia (52 avant J.-C.), le sacre de Charlemagne (800), l’élection de Hugues Capet (987), les batailles de Bouvines (1214) et de Marignan (1515), l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) et la révocation de l’Édit de Nantes (1685), la Révolution française de 1789 et la révolution de 1848, l’affaire Dreyfus (1894) et les guerres mondiales du XXe siècle. Mais aussi d’autres plus étonnantes comme la venue des Gaulois au Sénat de Rome (en 48), le voyage du tailleur de pierre Étienne de Bonneuil en Suède en 1287, le procès lié à la présence d’un esclave noir à Pamiers (1446) ou la création du Muséum d’histoire naturelle (1793).
Chacune des 146 dates choisies laisse entrevoir l’importance des relations de la France avec le monde. Chacune des entrées prend la forme d’un chapitre court (pas plus de cinq pages) qui raconte l’événement choisi sous la forme d’une intrigue. L’écriture, sans notes, se veut accessible au plus grand nombre. Des repères bibliographiques permettent au lecteur de poursuivre ensuite ses recherches s’il le souhaite.

D’après un article de La Croix.fr

Et ci-dessous une émission de La marche de l’histoire consacrée au livre :

Mes historiens et géographes

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Les premiers historiens et géographes que j’ai lu sont ceux dont les livres ornaient la bibliothèque de ma grand-mère : Ernest Lavisse et Paul Vidal de La Blache (son Tableau de la géographie de la France qui sert d’introduction à l’Histoire de France de Lavisse) ainsi que Jules Michelet.

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J’ai également dévoré les volumes de La vie privée des hommes publiés sous la direction du préhistorien Louis – René Nougier et de l’historien Pierre Miquel.

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Les années collège et lycée n’ont pas été très riches en lecture historique, mais plutôt bercées par deux « historiens » de la radio ou de la télévision : Alain Decaux (« Alain Decaux raconte » sur Antenne 2) et Eve Ruggiéri (« Eve raconte »)

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Mes années d’Hypokhâgne et Khâgne puis d’université m’ont permis de découvrir l’Ecole des Annales et les historiens qui s’y rattachaient : Lucien Febvre, Marc Bloch, Fernand Braudel, Robert Mandrou, Emmanuel Le Roy Ladurie,  Georges Duby, Jacques Le Goff, ou Pierre Chaunu.

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Du côté de la méthode, je dois sans doute beaucoup à Robert Dubreuil, l’un de mes professeur de classe préparatoire, dont l’ouvrage méthodologique me sert encore parfois.

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Et du côté de la géographie me direz-vous ? Il n’y a pas vraiment d’auteurs qui ont retenu mon attention, mais plutôt des professeurs comme Gérard Granier, lors de mon passage en Hypokhâgne et Khâgne,  qui m’a appris à lire les paysages et les cartes topographiques. Il y a aussi Denis Retaillé et Yves Guermond, deux professeurs de la faculté de géographie de Rouen qui m’ont enseigné des géographies très différentes.