9 octobre 1940 : discours de Pétain aux Français

« Français,

Depuis plus d’un mois, j’ai gardé le silence. Je sais que ce silence étonne et parfois inquiète certains d’entre vous. Qu’ils se rassurent. Le Gouvernement n’a perdu ni l’indépendance de son langage, ni le souci des intérêts du pays. Il ne s’est éloigné ni de vos esprits, ni de vos coeurs.
S’il s’est tu, c’est qu’il a travaillé.
Trois millions de réfugiés, deux millions de mobilisés sont revenus dans leurs foyers. La majeure partie des ponts détruits par la guerre ont été rendus à la circulation. Les transports sont rétablis dans leur presque totalité.
En moins de six semaines, une tâche législative immense à laquelle aucun Gouvernement n’avait osé s’attaquer, a été accomplie. La révision des naturalisations, la loi sur l’accès à certaines professions, la dissolution des sociétés secrètes, la recherche de les responsables de notre désastre, la répression de l’alcoolisme, témoignent d’une ferme volonté d’appliquer, dans tous lés domaines, un même effort d’assainissement et de reconstruction.
Un statut nouveau, prélude d’importantes réformes de structures, déterminera les rapport du capital et du travail. Il assurera à chacun la dignité et la justice.
L’honneur rendu à la famille, les encouragements et les appuis qui lui sont accordés contribueront à la restauration du foyer et au relèvement des naissances.
La réforme, déjà entreprise, de l’enseignement refera l’unité de la Nation et l’élan donné à la jeunesse lui rendra,, dans un harmonieux équilibre de l’esprit et du corps, la santé, la force et la joie.
Ainsi s’est manifestée, dans l’immédiat, notre première action.
Elle était pressante. Il fallait, à la fois, trouver une solution aux problèmes les plus urgents et rafraîchir l’atmosphère de la vie française.

Pour y parvenir, nous avons dû bouleverser des habitudes, gêner des commodités, léser des intérêts. Nous l’avons fait, dans le sentiment de notre devoir, dans la conviction que le peuple français saurait maîtriser ses impatiences, pour juger nos actes avec sa raison.
Mais ce court regard sur le passé ne nous dispense pas de songer à l’avenir.
Cet avenir est encore lourd et sombre.

Le sort de nos prisonniers retient, en premier lieu, mon attention. Je pense à eux, parce qu’ils souffrent, parce qu’ils ont lutté jusqu’à l’extrême limite de leurs forces et que c’est en s’accrochant au sol de France qu’ils sont tombés aux mains de l’ennemi. Que leurs mères, que leurs femmes, que leurs fils, sachent que ma pensée ne les quitte pas, qu’ils sont eux aussi mes enfants, que chaque jour je lutte pour améliorer leur sort.
A nos populations d’Alsace et de Lorraine, contraintes de quitter brusquement leurs villes et leurs villages, j’adresse l’expression de notre affectueuse, de notre profonde sympathie.
Je ne puis oublier, enfin, les paysans de la France occupée qui supportent l’épreuve avec courage, ni les Parisiens, dont je partage les tristesses, dont j’approuve la dignité, et que j’espère retrouver bientôt.
A l’approche de cet hiver, qui sera rude, nous avons dû nous préoccuper de lutter contre le chômage. A cet effet de grands travaux ont été décidés; d’importants crédits y ont été affectés. Ils assureront le gagne-pain de milliers d’ouvriers, en même temps qu’ils accroîtront la puissance productrice du pays. Les difficultés matérielles seront grandes. Mais nous procéderons par étapes dans un ardent désir d’apporter une solution, aussi large que possible, à un problème capital pour la santé morale et sociale de notre pays.
Le problème du rationnement s’est posé au Gouvernement comme une pénible nécessité.
Ce rationnement nous a été imposé, à la fois par la sévérité de la défaite et par la volonté du vainqueur. Nous n’avons pas cherché à ruser avec des réalités cruelles et, contraints d’exiger des Français les restrictions les plus dures, nous avons voulu assurer l’égalité de tous devant le sacrifice. Chacun devra prendre sa part des privations communes, sans que la fortune puisse les épargner aux uns et la misère les rendre plus lourdes aux autres.

Je viens vous parler le notre passé récent et de notre proche avenir.
Les exigences du moment ne doivent pas nous faire perdre de vue la grande voie qui s’ouvre devant nous, et sur laquelle nous planterons les jalons de la reconstruction française.
Dans un message que les journaux publieront demain et qui sera le plan d’action du gouvernement, je vous montrerai ce que doivent être les traits essentiels de notre nouveau régime : national en politique étrangère, hiérarchisé en politique intérieure, coordonné et contrôlé dans son économie et, par-dessus tout, social dans son esprit et dans ses institutions.
Vous y reconnaîtrez, les grandes lignes de cette Révolution Nationale qu’ensemble nous accomplissons, qu’ensemble nous poursuivrons et dont la prochaine Constitution déterminera les moyens et les cadres.
À cette oeuvre de libération et de renouveau, l’esprit public doit être étroitement et profondément associé. Aucun redressement durable ne peut se faire sans son assentiment.
Ce redressement ne s’accomplira donc que dans la confiance et dans la foi. L’âme de la France, si méconnue dans le passé, y retrouva la beauté de ses sources et la promesse de son réveil.

Je vous demande, mes amis, de lire attentivement ce message. Méditez-le! Qu’il soit le réconfort de ceux qui souffrent, le mot d’ordre de ceux qui espèrent.
Sans doute, estimerez-vous qu’il comporte sur le plan de l’action une suite immédiate. A cette action, consacrez-vous dès aujourd’hui. Des « Comités d’Entraide Nationale » ont déjà été constitués dans la zone occupée, comme dans la zone libre. Donnez-leur votre adhésion. Préludez à l’oeuvre prochaine de reconstruction civique et de rassemblement national par un généreux effort de collaboration sociale.
Français et Françaises, jeunes gens et jeunes filles qui m’écoutez, venez-en aide à ceux que la guerre a cruellement meurtris, à ceux qui, dans les rigueurs de l’hiver, vont connaître de nouvelles et pénibles épreuves.
Et, d’un même coeur, prononcez ce soir, avec moi, le même acte de foi : l’acte de ceux qui affirment leur volonté de ne pas douter de leur destin. »

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